Christian Morisset ou l’âme d’un passionné
Par Laurence Gounel
Christian Morisset est de ceux qui ne baissent jamais la garde. Déterminé, il a multiplié les expériences et les maisons pour gravir les échelons jusqu’au plus haut. Aujourd’hui installé dans son Figuier de Saint-Esprit à Antibes, il n’a rien perdu de son panache.
« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être pâtissier. À 5 ans j’allais tous les jours avec mon père chercher le lait à la ferme. Et chaque dimanche, je récoltais toute la crème accumulée pour faire mes petites crêpes. Des verres me servaient d’emporte-pièces. » À 14 ans, Christian Morisset obtient une dérogation pour commencer son apprentissage de pâtissier.

Antibes, Christian Morisset chef du restaurant Le Figuier de Saint-Esprit
« Je trouve la pâtisserie valorisante mais il me semblait déjà qu’en cuisine, nous avions plus d’échanges. J’imaginais cette sensation de « recevoir » un peu comme chez soi quand on est chef. Et puis la perspective de pouvoir mener une brigade un jour me titillait… » Un stage chez Troisgros à Roanne, un passage chez Joseph Rostang à Antibes, puis un poste de sous-chef au Moulin de Mougins et c’est enfin une place de chef qui l’attend dans un bel établissement du Val de Loire. Avant le grand saut avec Alain Ducasse à l’hôtel Juana pendant 18 ans et dont il finira par piloter les cuisines en affichant deux macarons.
« Le vrai challenge commençait et j’avais la confiance de mes patrons – la famille Barache ce qui n’a pas de prix quand on doit monter une équipe de toute pièce. Ils aimaient le luxe dans sa noblesse et j’ai pu accomplir une cuisine de produits, celle que j’avais apprise auprès d’Alain Ducasse. Aujourd’hui encore, je n’ai pas dévié dans ma propre maison : c’est le produit d’abord, en allant davantage à l’essentiel bien sûr, en veillant tout particulièrement au juste rapport qualité-prix. »
«Cela fait partie de notre mission à nous, chefs, de redonner toutes ses lettres de noblesses au terroir...»
Une cuisine autour des légumes – une madeleine de Proust pour cet enfant d’agriculteur, élevé au milieu des potagers, qui dégustait les pommes de terre nouvelles comme un rituel, chaque premier dimanche de mai, puis les radis de 18 jours, les carottes fanes quand on ne connaissait que les ordinaires. Une cuisine faite de cuissons courtes, de jus.
« Ce qui me ravit c’est de faire (re)découvrir certaines saveurs que les voyageurs avaient pris l’habitude de bouder : les betteraves, les endives, le chou-rave… Cela fait partie de notre mission à nous, chefs, de redonner toutes ses lettres de noblesses au terroir, au sens large. Comme d’ouvrir notre cuisine à tous les voyageurs. Rien ne me fait plus plaisir que lorsque je vois arriver des jeunes, un couple ou une famille qui entrent pour la première fois dans un restaurant gastronomique. Je redouble d’attention pour eux car je devine le sacrifice que cela leur demande de venir découvrir une cuisine et un univers qui leur sont étrangers. Cela fait partie des satisfaction d’une carrière de chef : savoir que nous pouvons laisser une petite trace en participant à un souvenir, à l’un des moments privilégiés d’une existence. »